jeudi 18 janvier 2007

Encore un article de Sebas sorti des archives

Une dangereuse hypocrisie

On peut parfaitement imaginer qu’il ne soit pas facile, pour Zapatero et ses petits copains du PSOE, de changer la Loi des Partis afin de permettre à Batasuna de redevenir un parti politique légal. Faire le listing des pressions auxquels ils sont soumis est inutile, tout le monde les connaît, cela n’apporterait rien au débat.

On peut parfaitement envisager que la première parade imaginée par La Moncloa ait été de demander à Batasuna de changer de nom, de statut et de dirigeants et, de la sorte, constituer un nouveau parti… légal. C’est toujours aux autres de faire des efforts…

Mais il arrive un moment où, s’il faut que nous soyons honnêtes, il serait bon que les autres, eux aussi, le soient. Je veux bien reconnaître que sortir Batasuna de l’illégalité n’est pas, politiquement, chose facile, surtout lorsqu’on a été de ceux – et non des moindres – qui l’ont illégalisée. Je veux bien admettre que cela pourrait être une pilule difficile à faire avaler au Partido Popular et que, plus encore, cela pourrait porter un coup supplémentaire à l’entente entre les deux partis… Cependant !

Batasuna existait avant la Loi des Partis, elle s’est constituée en son temps dans le cadre de la loi, et la Loi des Partis a été créée pour, dans le but, avec l’objectif, l’intension, la volonté, d’illégaliser Batasuna, Batasuna seule – et ses prédécesseurs, soit - et aucun autre parti. Toutes les plateformes électorales qui, par la suite, ont été créées par des gens de gauche et indépendantistes ont été illégalisées sur la base de la même loi… apportant la preuve - que nul ne peut réfuter - selon laquelle, très clairement, sans une once de doute ou de retenue, nous pouvons dire aujourd’hui que ce n’est pas le parti politique qu’est Batasuna qui a été illégalisé, mais bien toute expression structurée des aspirations indépendantistes vues de la gauche de l’échiquier politique.

Aussi, si nous admettons ce postulat, nous devons également admettre qu’il n’est pas du ressort de Batasuna de rejoindre la légalité, c’est à la légalité d’accepter Batasuna. Il n’appartient pas aux dirigeants de Batasuna, ni à ses militants, ni à sa base sociale, de créer un autre parti politique pour défendre des idées identiques et, à dire vrai, retrouver la légalité de cette façon serait proprement ridicule. Plus encore, exiger de Batasuna qu’elle change de statuts, de nom, de dirigeants, ne permet pas à la gauche indépendantiste d’être assurée de retrouver la légalité, car en illégalisant Batasuna, l’Espagne rendait également impossible la constitution de tout autre parti reprenant les objectifs politiques de Batasuna. Aussi, ce que demande réellement Zapatero à Batasuna, ce ne sont pas de nouveaux statuts constitutifs, mais de renoncer à ses objectifs politiques. Et renoncer à ses objectifs politiques n’est pas et ne pourra jamais être acceptable pour la gauche indépendantiste basque et, ajoutons, c’est tout à son honneur.

Le Mouvement de Libération Nationale Basque n’a cessé, depuis des mois, des années même, de démontrer son courage politique en tendant sa main pour parvenir à une paix durable. Elle a fait la preuve, constamment, de se volonté de trouver une issue au conflit, en faisant des propositions de paix, en proposant des bases concrètes pour le dialogue. L’opportunité actuelle, même elle, est née ce jour de novembre 2004 où Batasuna présentait « Orain herria, orain bakea ». L’occasion que nous vivons, celle que l’Union européenne, le Vatican, la Maison Blanche et le monde entier applaudissent, c’est celle qui a été créée par Batasuna, acceptée par ETA dans plusieurs communiqués, et soutenue par ETA lorsqu’elle a déclaré son cessez-le-feu permanent, il y a huit mois. Et ce serait à Batasuna de faire la démonstration de sa bonne volonté ?

Comme dit en début de ce texte, il est concevable que légaliser Batasuna ne soit pas chose facile, d’un point de vue politique, pour Madrid. Il est concevable que le Gouvernement espagnol et le PSOE soient soumis à des pressions tous azimuts. Mais aujourd’hui, face au blocage actuel du processus, face aux risques fondés et justifiés de le voir se rompre, il est totalement inconcevable de demander à Batasuna de rejoindre la légalité.

Jamais Batasuna n’est sortie de la légalité, elle en a été sortie. Que ceux qui l’en ont sortie l’y réintroduisent.

Sebas Bedouret
Responsable de Txalaparta Irratia
Paris

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